27/03/19
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Comment faire la différence dans un monde où la concurrence est plus qu’au seuil de la porte du voisin et que capter l’attention des utilisateurs devient un challenge de tous les jours ? Comment convaincre d’utiliser votre service ? Et plus encore, comment persuader de continuer à l’utiliser le plus souvent possible et à empêcher vos utilisateurs d’aller voir ailleurs ?
Les questions qui se posent aux entreprises tournent de plus en plus autour des atouts différenciants qu’elles peuvent mettre en place dans un monde hyper-digitalisé et hyper-concurrentiel. Sur le Web, les moyens de se démarquer ne sont pas si nombreux et il faut beaucoup de puissance de feu financière pour installer et maintenir les moyens qui leur permettent de garder toujours une tête d’avance.
Mais ma conviction est que de nouveaux moyens existent, plus originaux que la guerre des prix ou que l’acquisition de trafic et qui sont, eux aussi, des atouts pour répondre aux objectifs d’une stratégie d’investissement d’un marché sur le long terme.
Ainsi, on a vu inexorablement depuis plusieurs années monter la notoriété d’une matière, ou d’un art, ou d’une méthodologie, définissez-la comme vous voulez, qui a été largement exploitée par les GAFA pour asseoir leur domination : l’UX design.
Ce serait aujourd’hui une erreur de négliger l’expérience utilisateur (UX), voire sa soeur jumelle dans le domaine exclusif du digital : l’expérience client. Smartphones, écrans d’ordinateur, interfaces à commande vocale, et puis, pourquoi pas, interfaces visuelles, gestuelles… les moyens d’interagir avec le monde digital se multiplient et nous n’avons pas fini d’être étonnés.
Une erreur, car cette expérience utilisateur a toujours été et est toujours un des éléments clés de leur réussite, que ce soit Apple, les réseaux sociaux, Amazon, AirBNB, Uber, etc. Toutes ces entreprises consacrent une énorme part de leur énergie à perfectionner et à peaufiner les interactions hommes machines, en permanence, pour nous rendre accros à leurs produits et services.
Qu’on ne s’y trompe pas ! Ce n’est pas parce que nous pouvons passer jusqu’à 2h30 par jour en moyenne sur les réseaux sociaux que nous les trouvons passionnants. C’est parce que les réseaux sociaux nous ont rendus dépendants d’eux pas à cause de leurs contenus, mais à cause des expériences qu’ils fournissent et des habitudes qu’ils ont créé en nous. Habitudes qui sont uniquement le produit d’un travail extrêmement poussé d’UX et qui seront le sujet d’une conférence au Nord Conversion Day le 4 avril prochain.
Souvenez-vous du premier contact que vous avez eu avec Twitter, ou Facebook, ou Instagram ? Est-ce à cause des contenus qui y étaient fournis que vous y êtes revenus ? Permettez-moi de vous le dire, mais non ! Si nous revenons vers les réseaux sociaux indéfiniment et indéfiniment, c’est parce que ceux-ci ont su jouer de manière (assez subtile , il faut le dire) sur nos égos en nous flattant en permanence et nous rendant plus important que nous le sommes réellement.
Comment cela fut-il possible ?
Tout simplement en mettant en place des mécanismes nous incitant à les utiliser le plus souvent possible : alertes, notifications, mais surtout RT, like et commentaires, qui sont la drogue des réseaux sociaux. C’est vraiment à cela que nous marchons. Plus nous en obtenons et plus nous sommes accrocs.
Parvenir à ce résultat n’a pas été que la mise en application de trucs psychologiques jouant sur nos faiblesses intrinsèques, mais aussi grâce à un travail patient d’optimisation des interfaces. S’ils ont eu autant de succès, c’est aussi parce que les réseaux sociaux ont rendu nos interactions et nos échanges simples : limitations à 150 caractères, fil d’actu rapide à lire, images pour accrocher l’attention, rapidité, simplicité d’accès, portabilité sur smartphone dès les débuts. Grâce au travail des UX designers, tout est mis en oeuvre pour nous faciliter leur usage et nous habituer à eux. Et comme vous le savez, plus une habitude est prise, plus elle est difficile à changer.
Les réseaux sociaux sont l’exemple extrême de l’application des métiers de l’UX sur les interfaces pour embringuer les utilisateurs dans leur service. Mais, à dire vrai, toutes les entreprises prétendant à un minimum de leadership sur leur marché se livrent aussi à ce petit jeu. Vous le constaterez partout, plus il vous sera facile de vous inscrire à un service, plus vous le trouverez facile à utiliser, plus il vous procurera d’émotions positives, plus vous y reviendrez. Et cela est vrai dans tous les secteurs du marché et quelle que soit la récurrence de l’offre.
Que vous vous adressiez une fois par an à un client ou une fois par jour, l’exigence est la même. Vous devez être au top de l’expérience utilisateur. Un formulaire compliqué, une offre pas claire, un site trop lent, une expérience trop terne et vos utilisateurs filent ailleurs. Vous le savez vous même, ce ne sont pas les propositions concurrentes qui manquent. Cela étant entendu, il ne reste pas qu’à embaucher un UX designer et lui faire faire des maquettes, comme c’est encore trop souvent le cas dans de nombreuses entreprises, pour faire de vous un maître de l’expérience utilisateur. L’UX a ceci de stupéfiant qu’elle remet en cause bien des schémas de pensée et d’organisation des entreprises.
Pour bien faire de l’UX, vous devez penser UX et inverser votre vision du marché en plaçant le client et ses besoins au sommet de votre pyramide de priorités et votre offre en bas. Comprendre intrinsèquement ce que veulent les gens, comprendre comment ils interagissent avec les marques, comprendre la manière dont ils utilisent le digital, et même plus encore, comprendre comment ils veulent vivre une expérience avec vous devraient devenir vos priorités business.
Prenez l’exemple d’AirBNB. Au départ, AirBNB était une sorte d’agence de voyages qui proposait des lieux d’hébergement à bas coût à travers le monde entier et en exploitant une terre vierge de l’hôtellerie : les particuliers. C’est ce qui a fait son succès, mais avec le temps, et avec la concurrence se développant, AirBNB a dû imaginer une autre manière d’aborder son métier et de présenter ses offres.
Ce n’est pas moi qui le dit, mais Rebecca Sinclair, UX Manager d’AirBNB, qui a raconté dans une interview sur Capitaine-commerce.com, comment son boss lui avait demandé de réinventer AirBNB en quelques mois à peine. Après avoir interrogé beaucoup de clients d’AirBNB et de s’être posé la question du voyage de nos jours, Rebecca en est arrivée à la conclusion que ce que recherchaient les gens aujourd’hui n’étaient pas des lits entre quatre murs avec un service plus ou moins élaboré, mais des expériences ! Le terme, dans le voyage, est particulièrement important, puisqu’un voyage est avant tout une expérience.
Vendre des expériences semblait tomber sous le sens, mais cela n’était pourtant pas apparu aux fondateurs d’AirBNB à leurs débuts. Cela peut sembler bien sûr un peu « aérien », mais penser en termes d’expérience obligeait AirBNB à revoir entièrement ses parcours utilisateurs. La séduction, par exemple, qui est un des ingrédients essentiels du voyage, ne passait pas uniquement par des photos attractives des logements, mais aussi par la vente d’une histoire, de rêves et d’aventures promises. Le quartier, l’hôte, l’histoire devenaient des ingrédients incontournables du produit. En les négligeant jusque là, AirBNB s’était coupé d’une partie de son argumentaire commercial. En pensant expérience, les designers, au sens large du terme, se remettaient à la place du client et pouvaient plus facilement comprendre et manipuler les ressorts de la location d’hébergement en ligne.
Penser « UX », penser « centré utilisateur », n’est pas simplement une technique de design. C’est bien plus une philosophie de pensée. C’est une manière d’appréhender le problème de la commercialisation sous un angle bien plus adapté au contexte consumériste d’aujourd’hui que par les manières plus traditionnelles. Cela fait plus de 20 ans qu’on le sait aux Etats-Unis, et la France semble tout juste le découvrir.
Penser « UX » suppose que les plus hautes instances dirigeantes de l’entreprise retournent également leur manière de penser. Il ne peut pas y avoir de l’UX design à un étage de l’entreprise (au niveau opérationnel) s’il n’y en a pas au niveau stratégique. L’UX design entraîne une nouvelle manière de considérer un marché qui part de l’individu en tant qu’être vivant avec des habitudes complexes, inclassables et uniques pour arriver à une expérience globale capable de répondre à la masse (avec de plus en plus les apports de la personnalisation, permis par le deep learning).
D’où la place centrale des UX designers dans l’organisation de l’entreprise. Enfin, soyons honnêtes « d’où la place centrale qui devrait être celle des designers dans l’organisation de l’entreprise. » Car cette place ne leur est que très rarement accordée aujourd’hui dans la plupart des organisations dont le mode de fonctionnement pyramidal et « siloté », comme on dit, perdure largement.
Si j’avais des conseils à donner en ce sens là, voici quelles serait mes priorités :
Sensibiliser les différents collaborateurs de l’entreprise à la connaissance de l’UX design et à ses implications dans la manière de concevoir des services et de faire évoluer les interfaces entre l’entreprise et ses clients. Cela peut passer par des programmes de formation, mais aussi par des conférences en interne. Bien sûr, ces conférences doivent s’adresser à tout type de public. L’UX concerne souvent beaucoup plus les gens qu’ils ne le pensent.
Créer une équipe d’UX design pas à pas :
Le premier recrutement devrait concerner l’embauche d’un UX Manager qui serait garant à la fois des méthodes et des métiers à mettre en oeuvre pour que l’UX design soit omniprésent dans l’entreprise, mais, et c’est tout aussi important, qui se porterait aussi responsable de la bonne expérience utilisateur des différents canaux digitaux de l’entreprise vis à vis de ses clients.
Ce dernier point suppose également la mise en place d’audits permanents et réguliers de ces canaux afin d’avoir une vision claire de cette UX :
L’UX manager, appuyé par la Direction Générale, devra aussi avoir la difficile mission de rendre compte de ces tests et d’évangéliser les différentes équipes opérationnelles mettant en oeuvre les médias digitaux :
Sans soutien fort de la Direction Générale, il est certain que cet UX manager aura beaucoup de mal à promouvoir un esprit UX dans l’entreprise.
Par la suite, il aura pour mission de créer une équipe d’UX interne comprenant un UX researcher, responsable des études, et un UX designer, responsable de la conception, qui viendront l’assister et conduire des missions plus opérationnelles.
Changer le mindset de l’entreprise :
Changer une culture d’entreprise est un projet ambitieux qui ne peut être conduit par une seule équipe et bien sûr ne peut se faire sans un appui fort de la part des instances dirigeantes. Mais si l’on devait faire un pas dans la bonne direction en prenant une bonne habitude qui diffuserait à tous les étages de l’organisation, ça serait celle de faire appel systématiquement à des tests utilisateurs et d’en faire la base de toute réflexion d’évolution d’une interface. Changer le mindset de l’entreprise demande à chaque individu la constituant de savoir « penser et agir » client. Ce n’est pas en regardant son offre qu’on doit la faire évoluer, c’est en regardant les clients et leurs aspirations qu’on peut les changer dans le bon sens.
Un des défis des entreprises dans un contexte technologique mouvant et envahissant est de pouvoir non seulement anticiper ces phénomènes, mais d’adopter une configuration de fonctionnement qui soit à même de s’adapter rapidement au changement et de coller au plus près des habitudes des utilisateurs.
On a beaucoup parlé des entreprises agiles, ces dernières années, mais on a beaucoup négligé l’aspect « centré utilisateur » que prône l’UX. Oui, il faut être le plus agile possible, mais il faut aussi être capable de comprendre fondamentalement les aspirations des consommateurs et savoir y répondre avec pertinence. Et pour cela, il faut mettre en place toute une philosophie qui demande à penser différemment la conception d’interfaces et de services. La première source d’inspiration doit être le client, l’utilisateur ou le consommateur. Et il doit être le juge de paix. L’arrogance des organisations et de leurs silos bien séparés en chapelles métiers doit disparaître au profit d’une position où la modestie et l’écoute doivent prédominer. C’est cela que propose l’UX design : un renouveau de la pensée business à travers une vision plus égalitaire de la relation individu/entreprise induite par la diffusion sans frein des technologies de l’information.
Image : thomas vanhaecht
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